mardi 16 février 2010

Von den hinterweltlern
















Oeuvre : Arnulf Rainer, Dieu crée le monde, 1973




"Zarathoustra lui aussi comme tous les hallucinés de l'au-delà, avait jadis lancé la flèche de son illusion par delà l'humanité. le monde m'apparut alors comme l'oeuvre d'un Dieu souffrant et torturé.
Le monde me paraissait un songe, un poème inventé par un Dieu, une nuée irisée déployée devant les yeux d'un divin mécontent.
Bien et mal, joie et peine, moi et toi - autant de nuées irisées devant ses yeux créateurs. Le créateur voulait détourner de soi le regard : c'est alors qu'il créa le monde.
Joie enivrante pour celui qui souffre, que de détourner les yeux de sa propre souffrance et de s'oublier. Le monde, jadis, me semblait joie enivrante et oubli de soi.
Ce monde éternellement imparfait, image d'une éternelle contradiction et imparfaite image m'apparaissait comme une joie enivrante pour son imparfait Créateur. Tel je m'imaginais le monde.
Aussi, pareil à tous les les visionnaires de l'autre monde, ai-je lancé au delà de l'homme la flèche de mon désir illusoire.
Au delà de l'homme en vérité ?
Hélas ! mes frères, ce Dieu que je créais était ouvrage d'homme et folie humaine, comme tous les dieux.
Il était homme, pauvre fragment d'homme et de moi fantôme né de ma cendre et de ma flamme, et certes il ne me venait point de l'au-delà.
Qu'arriva-t-il, mes frères ? je sus me vaincre, bien que souffrant; je portai mes cendres aux monts, j'inventai une flamme plus claire. Et voici, le fantôme s'évanouit. "
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.