vendredi 9 avril 2010

La déduction transcendantale selon Fichte
















Installation : Terence Koh, These Decades that We Never Sleep, Black Light, 2004






"En tant que condition de la conscience de soi, on a posé une action venant de l’extérieur et, en conséquence de cette action, une certaine constitution du corps, puis, en conséquence de cette constitution, un certain arrangement du monde sensible. Par suite, tout d’abord, si la conscience de soi doit être possible, il faut que le monde sensible possède cette constitution, qu’il se tienne dans ce rapport avec notre corps, et ensuite il n’y a naturellement, dans le monde sensible, rien d’autre que ce qui se tient en rapport avec notre corps ; n’existe pour nous que ce qui est le résultat de ce rapport. - Que l’on n’oublie pas que cette déduction n’est à entendre que de manière transcendantale. « C’est ainsi » signifie : « il faut que nous le posions ainsi » ; et parce qu’il faut que nous le posions ainsi, cela est ainsi. L’existence donnée (das Vorhandensein) d’un corps a été conclue à partir de l’indépendance et de la liberté. Mais cette dernière n’est que dans la mesure où elle est posée : si bien que - le fondé ne pouvant pas aller plus loin que le fondement - le corps n’est également que pour celui par lequel il est posé.
La détermination ultérieure du corps et, grâce à elle, celle du monde sensible, est conclue à partir de la communauté (Gemeinschaft) nécessaire d’êtres libres, cette communauté étant elle-même la condition de possibilité de la conscience de soi, et ainsi elle se rattache à notre premier point. Parce que, dans le monde, des êtres libres doivent être en tant que tels en communauté, il faut pour cette raison que le monde soit disposé de cette manière. Mais comme une communauté d’êtres libres n’existe que dans la mesure où elle est posée par ces êtres, de même le monde n’existe-t-il également que dans la mesure où ces mêmes êtres le posent ainsi : et ceci aucunement avec liberté, mais au contraire uniquement avec absolue nécessité ; et quelque chose qui est posé de cette manière possède pour nous de la réalité."

Johann Gottlieb Fichte, Fondement du Droit Naturel, 1ère Partie, 2è Section, §6 (S.W.III, p.72-73)