samedi 8 janvier 2011

Morale de la lutte


















Photo : Françoise Huguier, Entrée d’escalier (Les appartements communautaires) Saint Pétersbourg, novembre 2002




Souvenirs vagues d'une suprématie du vide j'évoluais doucement entre les tumultes de l'anarchisme et une ataraxie Zyprexive . J'avais évolué intérieurement dans les plis compliqués des dieux alter et dans une calme dissolution, j'avais subi les discours vains du concret sur un monde fondamentalement abstrait.
Entre deux gorgées d'un (faux) pastis, j'avais massivement élaboré une stratégie d'évitement en arborant une normalité de rigueur.
Dans un flux constant d'images, j'avais, malgré tout, pris le temps d'observer, la bague Borgia du photographe, le mot Elite écrit au sucre sur un gâteau noir, le bout de ventre bronzé d'une femme d'une cinquantaine d'années au dessus de sa ceinture D&G, les veines saillantes du bras d'un joyeux gay, la beauté féline sans expression d'une jeune fille brune, le reflet d'une lumière orange sur un verre de Martini blanc, les chaussures usées d'un homme avec une cravate Hugo Boss...
...
Quand (enfin) beaucoup plus tard, je revenais à moi, j'ouvrais le volume I d'Ernst Jünger à la date du 2 décembre 1942 et j'y lisais :
' Vorochilovsk,
Le souffle du monde des équarrissoirs est parfois si sensibles, qu'il éteint en moi tout désir de travailler, de former des images et des pensées. Le crime, par sa nature, répand l'étouffement, le désarroi ; la maison de l'homme devient inhospitalière, comme si une charogne y était cachée. A ce voisinage, les choses perdent leur charme, leur parfum et leur goùt. L'esprit s'épuise sur les tâches qu'il s'était fixées, et qui l'occupaient en le réconfortant. Mais c'est justement contre cela qu'il faut engager la lutte. Les couleurs des fleurs sur la cime mortelle ne doivent point pâlir pour l'oeil, fut ce à un pouce du précipice. '